Changer de vie professionnelle: les limites du coaching express
Un coach peut aider à voir plus clair dans ses aspirations de reconversion professionnelle. Mais il faut tomber sur un bon.
Au salon Nouvelle Vie Pro organisé fin novembre à Paris, les séances de coaching dispensées gratuitement ont eu un succès fou. Pour le meilleur et pour le pire. Reportage.
« Certaines personnes ont une grande qualité, celle d’être très adaptable. Mais cela a un revers. Elles peuvent rester des années à un poste dont elles ont pourtant su au bout de quatre semaines qu’il n’était pas fait pour elles. » Fin novembre, au salon Nouvelle Vie Pro organisé à Paris, les participants à la séance de coaching collectif « boostez vos qualités » acquiescent d’un hochement de tête appuyé les paroles d’une consultante. Ils ont pour la plupart la quarantaine et des envies de (re)trouver un travail correspondant à ce qu’ils sont vraiment « au plus profond d’eux-mêmes ». Comme la plupart des visiteurs du salon, en quête d’un nouveau projet professionnel.
À quelques pans de là, des coaching individuels ont commencé. Une vingtaine de professionnels ont été mobilisé. Leur challenge n’est pas mince: donner, en moins d’une demi-heure, quelques pistes de réflexion aux aspirants à la reconversion, et leur donner envie de se faire accompagner. Les visiteurs affluent en masse pour accéder à ces courts rendez-vous non facturés. Il faut dire que dans la vraie vie, le tarif d’une séance oscille entre 70 et 150 euros.
« Je suis venu avec ma femme pour me soutenir, nous confie un quinquagénaire, dans la longue file d’attente. Ce n’est pas mon métier d’imprimeur, que je n’aime plus, c’est les conditions dans lesquelles il s’exerce. Baisser les salaires pour faire plus d’argent, c’est tout ce qui compte aux actionnaires. Je pense à devenir moniteur d’auto-école, mais, le problème, c’est le salaire. Avec les charges qu’on a, je ne peux pas me le permettre. » L’homme ne veut pas qu’on assiste à son entrevue. Nombreux seront ceux à refuser. Trop intime, trop d’émotions.
« Faites des listes »
Samia* a signé cet été une rupture conventionnelle pour quitter son poste de juriste dans un service bancaire. Parmi ses pistes de reconversion, rien ne s’impose à elle avec évidence. « J’ai laissé tomber l’idée de scénariste car le secteur est bouché, celui de directrice de crèche car la formation pour y accéder dure trois ans. Je pense maintenant à la sophrologie ou à monter ma boîte avec une amie. Mais je suis dans le flou total. »
« Intéressez-vous à vos talents », « faites des listes j’aime/je n’aime pas », « allez faire un tour au CIDJ » (le centre d’orientation des jeunes) pour « consulter des fiches métiers ». Les réponses de la coach rendent la jeune-femme furieuse. « Elle était nulle, c’est honteux!, s’insurge-t-elle, à la sortie du tête à tête. Ma conseillère à l’Apec est mieux. »
« Vous êtes extrêmement courageux »
Mathieu, diplômé d’une école de commerce il y a à peine trois ans, veut, lui, « retrouver un métier qui a du sens ». Ses premières expériences de contrôleur de gestion dans une multinationale, puis dans une entreprise fabriquant des éoliennes, l’ont déçu. « Je vous trouve extrêmement courageux, lance la coach qui lui est dévolue. Beaucoup, à votre place, resteraient à leur poste, en se disant que c’est confortable. »
Elle le prévient qu’elle ne va pas pouvoir lui faire une séance de coaching, le temps imparti est trop court. En deux coups de cuillère à pot (parce ce qu’il dit aimer être à l’écoute des autres), elle lui conseille de viser les ressources humaines. L’avise même d’envoyer son CV au nouveau DRH d’un groupe de prêt-à-porter haut de gamme – « un jeune à votre image ». La fin du rendez-vous approche, elle se lâche: « c’est avec des jeunes dynamiques comme vous, issus de la société civile, que Macron va réussir! »
« Notre vie, c’est le voyage des héros »
À une autre table, Cécile, responsable d’une agence dans le BTP, se livre. Parle de sa longue expérience dans les travaux publics, de sa formation initiale de décoratrice d’intérieur, de son idée d’ouvrir une épicerie de vrac en franchise…
« Ce qui ressort, c’est que vous aimez construire, lâche la coach en face d’elle. Je veux construire pour qui? Pour quoi? Comment? Avec qui? Pour trouver les réponses, regardez dans le passé les étapes lors desquelles vous vous êtes éclatée. Notre vie, c’est un peu le voyage des héros. On a une mission. Et n’oubliez pas que parfois, le saboteur, c’est nous, alors travaillez sur vos croyances. » Encore des formules toutes faites? Pas pour Cécile qui semble ravie: « Vous avez mis le doigt sur le fait que j’aime ‘construire’, et rien que ce mot, ça va vraiment m’aider à avancer ».
« Arriver d’un point A à un point B »
Paula, vingt ans dans l’administration de biens, victime d’un burn-out, vient confirmer que son projet « tient la route ». Face à elle, la coach mène tambour battant un interrogatoire hyper structuré. Un quart d’heures plus tard, Paula a réussi, grâce à cet échange dense, à verbaliser son objectif ultime: travailler, pour sa dernière partie de carrière, dans une entreprise en lien avec l’Espagne ou espagnole (Zara si possible), pour retourner dans sa région natale.
« Le coaching, c’est un travail pour faire découvrir à la personne le faisceau de possibilités pour arriver d’un point A à un point B. Ce qui, dans bien des cas, nécessite d’abord de faire émerger au préalable ce point B », explique la coach. Viser une entreprise en particulier, comme Paula, n’est-il pas trop réducteur? « Une telle toquade n’est pas gênante, tant que ce n’est pas pour faire plaisir à quelqu’un d’autre, par exemple. Et je vous assure que cette dame, si elle le souhaite vraiment, va finir par travailler chez Zara. Avoir un but aussi précis crée un effet focus, qui simplifie les choses, finalement. »
Source : Changer de vie professionnelle: les limites du coaching express